China Town
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 04/03/2012 /
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Nous avons pris le bus hier en fin d'après midi pour nous rendre de la gare de Luo Phong pour rejoindre notre hôtel. Bon dieu! On est passé par Chinatown. Ecoutez donc, fermez les yeux and just imagine !
Tu prends une fourmilière, tu remplaces les fourmis par des humains: t'as Chinatown!
Ça doit être grand comme deux ou trois arrondissements parisiens. Une large avenue centrale et plein de petites ruelles perpendiculaires. Ça ressemble un peu à la première page de Tintin dans le Lotus Bleu. Allez! Accroche toi ! Par ici la visite !
Les trottoirs sont investis par les vendeurs de tout et n'importe quoi. Y'a des centaines de boutiques de bijoux (ça doit être une chaîne de distribution.) Derrière les vendeurs sapés sur leur trente et un, des milliers de colliers en or … qui ne doit pas en être complètement. Et devant les vendeurs, pas un client. On imagine à quel point les vendeurs doivent se faire chier mais au moins, eux, ils ont la clim! Mais pour les autres, ceux qui sont dehors, c'est pas la même musique ! Vendeurs de poissons séchés, de poissons vivants, de poissons de combat, de chats, de chiens, de singes, d'insectes, de fruits, de beignets, de beignets aux fruits ou au poisson! Vendeurs de fleurs, vraies ou fausses, vendeurs de quincailleries, « tout pour la cuisine, tout pour la couture, tout pour la toilette, tout pour la décoration, tout pour la religion, tout pour l'informatique, tout pour les Dieux, tout pour TOUT ! »
La vitre du bus étant inexistante, tu profites des odeurs de la rue. Elles te parviennent de façon étrange: tu passes tour à tour du jasmin à la vieille urine, du parfum suave des fleurs de lotus au graillon immonde!
C'est inracontable! Le monde qui est là dépasse tout ce que tu peux imaginer. Ça rentre, ça sort, ça court, ça crie, ça s'interpelle, ça s'engueule, ça rit , ça pleure, et ça bouffe et ça bouffe. Ça tranche dans le lard au milieu des mouches, ça court après le canard qu'a voulu se faire la malle en voyant Robert (le couteau) ça court après le poisson-chat qui a sauté de la cuvette, ça court après celui qui court. Vendre, vendre, vendre, consommer, boire, manger, manger et manger encore. On mange debout , assis , couché, en marchant , sur sa moto, en dormant, en courant, l'oreille rivée au portable. Il fait chaud. Il n'y a plus de trottoirs, il n'y a même plus de chaussée. L'homme a tout investi, l'homme s'est étalé, l'homme s'est répandu, il déborde, dépasse. On se marche les uns sur les autres, on s'écrase, on s'entasse. Ceux qui passent au milieu des voitures sont les plus fous. Incontrôlables! Certains doivent mourir écrasés, piétinés, anéantis. Ici, c'est la loi du nombre qui fait foi. La fourmilière ne marche ni au pas du plus lent ni selon le pas du plus rapide. Le plus rapide parce qu'il n'existe pas car ici, il n'est pas possible d'aller plus vite que la horde, le plus lent parce qu'il est happé, piétiné,dévoré, digéré.
Le désordre est de rigueur, l'organisation n'existe pas. Chacun va où il peut, comme il peut. Il s'arrête, mange, repart. Et la fourmilière a faim, toujours. Les ruelles adjacentes dégueulent des milliers d'autres fourmis qui rentrent dans le courant de la rue principale. Celles de la rue glissent parfois dans des ruelles, se perdent. Mais où vont elles ?
Une vieille prie dans les fumerolles d'encens, le Bouddha est submergé de fleurs et de cigarettes, un enfant à poil fait sa toilette entre deux motos, le père donne le biberon , la mère coupe les poissons, l'oncle tente sa chance à la loterie. Sait-on jamais? Est-ce ici le seul moyen de s'échapper de cet enfer ? Car c'est l'enfer. C'est l'enfer malgré les colliers de fleurs et les belles guirlandes qui annoncent le Têt prochain, c'est l'enfer malgré le clinquant des colliers. C'est l'enfer … Bouddha est pourtant là, sans doute utile. Son doux visage qui sourit semble leur dire à tous : "Arrêtez! Arrêtez!VOUS VOYEZ PAS QUE CA DEBORDE ?"
Et là, je ne vous parle que de China Town en marche. Je n'ose pas imaginer ce qu'il faut comme énergie pour qu'elle se nourrisse, pour qu'elle boive, pour qu'elle fasse ses besoins, pour qu'elle s'éclaire, pour qu'elle se soigne, pour qu'elle se cultive, pour qu'elle prospère, pour qu'elle vive. Mais est-ce une vie que cette vie ?
(C'était Hervé ,en direct de la gare de Bangkok avant de prendre le train pour Chiang Maï.)
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Article publié le 04/03/2012 à 08h07
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