La Prison de Hoa Loa
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 23/10/2012 /
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Une bonne nuit chez Violette, enfin! Nous partons prendre notre petit déjeuner chez notre petit boulanger qui vous fait des crèmes caramel à 0,12 euro et un café qui ressemble à quelque chose. Les prix ici, c'est vraiment du n'importe quoi. Le prix du café doit varier en fonction du cours officiel fixé à Hong Kong ou à Rio. Tu le trouves à 3 000, 5 000, parfois 10 000 Dongs. Le plus que nous ayons trouvé était à 26 650 Dongs ! A ce prix, tu te dis qu'ils vont te mettre le petit chocolat emballé et la petite galette de Pont Aven en prime. Penses-tu! C'est la même encre. Une fois sucrée et largement arrosée de lait Nestlé sucré en boite, tu peux le boire.
Le café terminé nous nous dirigeons vers la gare des trains. Nous avons décidé de nous faire rembourser les billets car nous optons pour un stop dans la ville de Ninh Binh, surnommée la Baie d'Halong terrestre. Tout un programme... à condition que le temps ne soit pas à la brume. C'est un risque à prendre car en cas de brouillard on ne verra pratiquement rien de cette région considérée dans le Routard comme une des perles du Vietnam. Arrivés au guichet, nous nous faisons rembourser moyennant une perte de 10 % du prix du ticket.
Alors que nous nous apprêtions à repartir, une « chef » arrive derrière l'employée et … lui tire les cheveux en lui balançant sur la table un reçu de la SNCF locale :
« T'as vu ce que t'as fait ? C'est toi qui va payer pour l'erreur commise ».
L'employée , stoïque ne dit rien.
Sourire pincé de notre part. Quand nous prenons congé, la « chef » tire toujours les cheveux de sa subordonnée.
Va faire ça en France ! Comme on dit : « Autres lieux, autre mœurs ! »
Comme nous avions un peu de temps devant nous décidons d'aller visiter la tristement célèbre prison de Hoa Loa, en plein cœur d'Hanoï. Martine, qui a lu pas mal de choses dans le Routard et ayant eu des échos quelque peu « sordides » de l'endroit , opte pour une visite de la Pagode des Ambassadeurs, beaucoup plus cool que la prison.. Je pars donc seul visiter Hoa Loa....
La prison a été transformée en musée mais les Vietnamiens ont bien fait les choses. Quand je dis « bien fait », je veux dire par là qu'ils ont interprété l'histoire du lieu à leur sauce ! Si je résume leurs dires : « Quand la prison était dirigée par ces salauds de colons Français, c'était un enfer. Et quand nous, les Vietnamiens, nous en avons pris possession après le départ de la France et qu'on y a incarcéré les Américains, c'était le Paradis ! En fait, c'est un véritable lieu de misère et de honte pour l'humanité. Ici, les Français ont parqué, torturé et exécuté des centaines de Vietnamiens. Ceux-ci étaient enferrés dans des dortoirs à même le sol. Un pied entravé, le sol en pente pour que les excréments glissent au fond de la cellule. Un coup de jet d'eau par dessus deux fois par jour …C'est qu'on faisait pas dans le Moltonel à cette époque d'avant-guerre mondiale, pas même dans le petit robinet ou le petit tuyau. On trouvait ainsi des geôles contenant une soixantaine de prisonniers, allongés les uns à côté des autres, enferrés, dans une pénombre effrayante et une odeur qu'on ne peut imaginer.
La pièce d'à côté était la salle de torture. On aperçoit des restitutions « à la Viet ». Dans la même pièce, les « pas encore torturés » qui lèvent le poing en chantant l'Internationale pendant qu'au centre, deux pauvres suppliciés sont roués de coups, attachés à des échelles. Et puis au fond, les « déjà torturés » qui agonisent sans avoir parlé, évidemment. De l'autre côté de la prison trône la guillotine, la seule encore visible aujourd'hui dans le monde. Abject ! Sordide ! T'as envie de dégueuler et de foutre le camp. Je n'ose même pas vous dire qu'il y avait également un quartier réservé aux femmes prisonnières. Un unique point d'eau pour deux cents femmes ! Dans des vitrines, on vous montre les objets avec lesquels on les torturait. Je n'en dirai pas plus...
Au milieu de la prison se dresse une espèce de stèle à la mémoire de tous ces pauvres Vietnamiens qui ont subi les pires exactions de leurs bourreaux français. Les gens viennent s'y recueillir et y brûler un bâton d'encens. Et puis la visite continue. On t'explique que les Vietnamiens ont pris possession des lieux pour y accueillir les pilotes américains arrêtés pendant la guerre.
« Welcome to the Hoa Loa Hilton ! » Le premier de ces GI y est entré en 1966 pour en ressortir en 1973, vivant ! On parle beaucoup ici du pilote John Mac Cain dont l'avion en feu s'écrasa dans un lac. Les gentils Vietnamiens se jetèrent à l'eau pour le sauver de la noyade et l'incarcérèrent à Hoa Loa. On a encore conservé ici ses vêtements de pilote de l'US Army. Les autorités vietnamiennes expliquent à grands renforts de preuves qu'ils ont voulu traiter « humainement » les prisonniers américains afin de leur faire comprendre qu'ils avaient eu tort de balancer des millions de tonnes de bombes sur un peuple dont la gentillesse et la douceur étaient légendaires.
Je répète : Ça, c'est la version des Vietnamiens ! On voit les gardiens offrir des cadeaux aux prisonniers américains quand ils quittent la prison après les accords de Paris en 1973. Y'en a peut-être même qui ont refusé de repartir chez eux et rester à Hoa Loa : on y était tellement bien choyé ! Je suis ressorti de ce « bourrier » en prenant une grosse bouffée d'oxygène pollué. Je préfère la rue et son vacarme au silence macabre et à la sinistre pénombre des geôles d'Hanoï.
Actuellement, je vous écris dans le truc qui sert de bus et qui nous transporte jusqu'à Ninh Binh. Les rizières défilent sous mes yeux... Quand on pense que tout ici a été anéanti, napalmisé, bombardé et défolié il y a un peu plus de trente ans ; on se demande encore pourquoi les Français et les Ricains sont venus faire leur loi ici.
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Article publié le 23/10/2012 à 09h35
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