Le Chercheur d'Or
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 03/04/2012 /
0 COMMENTAIRE(S)
Ce matin, nous avons commencé la journée par faire du change car nos ressources en kips étaient à sec. Le taux ici est fait à la tête du client. Nous réussissons néanmoins à changer 50 € contre 550 000 kips alors qu'à Houey Xei, le taux était de 600 000 kips. Nous rencontrons le responsable de l'office de tourisme local qui parle français très correctement. Il nous dit qu'il l'a appris en deux ans, juste en parlant avec les touristes qui s'arrêtent ici.
Le plus difficile est de changer notre billet de bateau car nous étions censés repartir ce matin même. J'ai juste dit au responsable de la Compagnie des Transports Mékongais Réunis que Martine étant malade, elle ne pouvait pas reprendre la canonnière(C'est Steeve Mac Queen qui va être déçu !) Le gars a été très coopératif et m'a changé le billet. Ensuite nous avons rencontré Vitsaï, pilote de « speed boat » de son état. Moyennant la coquette somme de 150 000 kips débattue au bras de fer, Vitsaï nous emmène voir des orpailleurs.
Depuis le temps que je voulais m'essayer à la « batte » …
Nous montons dans sa pirogue. Elle fait bien une dizaine de mètres de long par moins d'un mètre de large. Ma pauvre Doudou est terrorisée :
« Mais où tu m'emmènes encore ? » Elle enfile un gilet de sauvetage... mais je me garde bien de lui dire que si nous nous renversons au beau milieu du fleuve ses chances de survie sont quasi nulles.
La pirogue file à toute vitesse à contre courant. Elle va deux fois plus vite que l'embarcation que nous avons empruntée hier. Au ras de l'eau, Vitsaï file vers un petit village dans lequel vivent des orpailleurs. En cours de route, nous en croisons sur une plage. Nous accostons. On nous avait dit de nous méfier, que ces gens étaient dangereux, que nous leur faisions peur et gnagnagna et gnagnagna . Penses-tu ! Nous tombons sur une famille en plein travail qui nous accueille gentiment. Je me dirige vers la maman « Maï » qui, le cul au pousseux, tourne sa batte dans l'eau en jetant le surplus de sable au fur et à mesure. Je prends un cours rapide et décide d'aller aider un petit garçon qui remplit des seaux de sable un peu plus loin sur la rive. Armé d'une simple coque de noix de coco et d'une espèce de petite pelle en fer, il racle le sable entre deux veines de roches. Il entasse le sable dans ses deux seaux, les fixe ensuite sur un bâton de bambou qui sert de balancier. Puis il descend les seaux à sa mère qui lave le sable avec sa batte. Et me voici maintenant Tonton Christobal chercheur d'or dans les eaux saumâtres du Mékong. Je relève mon pantalon, je demande la permission d'emprunter une batte et je fais comme Maï. Enfin, … j'essaie !Je mets la batte dans l'eau, je prends un panier-passoire, je verse le sable du seau dans le panier et je plonge le tout dans l'eau. Après avoir secoué le tout, je jette les pierres restantes dans le panier et je me mets à tourner et à retourner ma batte dans l'eau en la penchant pour ôter le sable. Au bout de dix minutes - il en faut 3 au plus à Maï pour faire le même travail- il ne me reste au fond de la batte qu'une petite poignée de sable … noir. Maï prend alors le relais. Elle se saisit de ma batte, y verse un peu d'eau et chasse petit à petit le sable blanc encore excédent et, dans la lumière du soleil , apparaissent quelques centaines de micro-paillettes jaunes. Elle lève la tête vers moi avec un sourire gros comme ça (Mais avec des dents très noires!)
« Kham ! me dit-elle. Kham! »
Allez ! Au boulot ! Je repars creuser avec le gamin, j'apporte les seaux à la mère, je tourne la batte et je creuse et je recommence. La frénésie de l'or a fait son effet. Je sue à grosses gouttes mais je tiens à leur apporter mon soutien. On rigole avec le père, avec les filles toute mignonnes qui portent toutes un chapeau et une espèce de cagoule en laine. (Quelle drôle d'idée !)La grand-mère se plaint d'avoir mal au dos, mal au jambes, mal aux bras. Tu m'étonnes! Chacun est à sa tâche, sans arrêt, du matin au soir, silencieusement.
Chaque battée apporte son maigre butin. Ce résidu de sable et d'or est versé dans une écuelle blanche et sera retravaillé ultérieurement pour en tirer l'or contenu. La barrière de la langue ne me permettra pas de savoir comment ils procèdent et comment ils le vendent.
Toutefois, à voir leurs haillons et leur habitat plus que sommaire, ces gens-là n'ont pas encore fait fortune. De la « Kham », ils n'ont pas dû en ramasser des quintaux, loin s'en faut.
En tout cas, moi, j'ai pris un pied pas possible et j'ai enfin réalisé un de mes rêves: Être un aventurier orpailleur ! Je n'oublierai jamais cet instant magique vécu ce matin sur les rives du Mékong même si après deux heures de travail je n'ai pas ramassé de quoi rentrer au pays « le cul cousu », comme dit Pierre Perret dans sa chanson :
« Tonton Christobal est revenu !
Des pesos, des lingots!
Il en a l'cul cousu ! »
0
Article publié le 03/04/2012 à 07h33
dans la catégorie « Carnet de Voyage Asie ».