le Delta du Mekong
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 27/04/2015 /
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Le bateau file sur le delta du Mékong. Un vent léger, une température idéale(30 °), nous nous apprêtons à rejoindre l'île de Binh An où nous allons nous restaurer.
Ici, le « Fleuve - Dieu » n'a rien à voir avec son amont impétueux sur lequel nous glissions au Laos. La « canonnière » non plus n'est pas la même. La vietnamienne est beaucoup plus bruyante.
Derrière nous Ho Chi Minh City et son concert permanent de klaxons. Derrière nous la tumultueuse marche des fourmis ! Derrière nous le désordre des marchés dans lesquels nous aimions pourtant flâner. Nous quittons le cœur de la fourmilière.
Avant de poursuivre, il me faut vous parler d'une des nombreuses particularités que les villes du sud-est asiatique recèlent. Cette spécialité pourrait s'appeler le « spaghetti électrique » .
Quand Edison inventa la lampe à incandescence il était loin d'imaginer que son invention allait défigurer les villes du monde en voie de développement. Voilà comment ça a dû se passer :
A l'apparition de l'électricité dans ces contrées mystérieuses, les plus riches se sont sans doute fait tirer une ligne unique reliée à un compteur unique. Mais le développement et l'essor économique prenant le dessus, les demandes se sont multipliées. Comme les premières lignes avaient été tirées en aérien, les suivantes furent installées de même. La population allant croissant, la demande décupla tant et tant que les autorités, submergées, laissèrent faire. Chacun se relia donc au compteur le plus proche, tout ceci générant un enchevêtrement de fils, de câbles et de lignes de toutes dimensions. Les poteaux ne suffirent plus à soutenir ces millions de kilomètres de fils. On les passa dans les arbres, sur les balcons, derrière les enseignes, au dessus des feux rouges. Petit à petit, les fourmis construisirent une toile gigantesque au-dessus de leur tête. Elle existe encore et fait complètement partie du paysage. Ah ! Si on avait pu d'emblée passer tous ces spaghettis en souterrain... Oui mais voilà: il est plus simple de monter le réseau par la voie des airs, et c'est surtout bien moins cher. Puis apparut le câble téléphonique qui vint rejoindre son ami le câble électrique. Depuis quelques années, c'est « câble TV » qui est venu rejoindre ses amis. Le méli-mélo est absolument extraordinaire, inextricable, indémêlable. Ça se croise, ça s'entrecroise. Dessus, dessous, le fil est partout. Il est le plafond de la ville... et le plafond n'est pas prêt de disparaître puisque j'ai vu encore hier des employés aider un commerçant à repiquer du jus sur un compteur pour éclairer sa gargote. Que feront alors les fourmis quand le ciel aura disparu et que le réseau de spaghettis électriques ne sera plus contrôlable ? (On me souffle qu'il ne l'est plus depuis bien longtemps !)
Au revoir donc à Ho Chi Minh Ville, la trépidante et besogneuse capitale des fourmis vietnamiennes
Notre barcasse se fraie un chemin à travers le marché flottant de Vinh Long. En fait, il faut venir ici très tôt le matin pour comprendre la spécificité de l'endroit. C'est un port de commerce. On y vend des ananas par bateaux entiers, du riz, des pastèques par milliers. Les jonques croulent sous le poids des marchandises. Pendant que madame prépare le repas ou lave le linge, monsieur, les mains dans le cambouis répare le moteur à grands coups de marteaux... à moins qu'il ne tape le carton avec le voisin d'à côté. Les enfants courent le long du pont au milieu du linge qui sèche et des marchandises... qui sèchent aussi. Sur l'eau flottent des paquets de fleurs de lotus qui vont et viennent au gré des courants et du sillage des embarcations. Celles-ci sont massives, inesthétiques au possible mais robustes. Elles se tamponnent de temps en temps. Bienvenu chez « le peuple des Eaux ».
Notre embarcation remonte maintenant le cours d'un petit bras du delta qui se perd dans un dédale de jardins et de vergers couverts de fruits. Manguiers, palmiers, bananiers, jaquiers (dont le fruit dégage une odeur de vomi qui sent à plusieurs centaines de mètres ), des pamplemousses énormes, des mangoustiers aux fruits tout velus, des caramboles nacrées, des sortes de litchis, des mandariniers, bref ; de quoi faire un « fruit shake du tonnerre »! Ici , la terre est submergée par les fortes crues du Mékong, parfois dévastatrices. Ces dernières déposent un limon fertile qui profite pleinement aux maraîchers du delta. Inutile de cultiver le riz, le jardin rapporte cinq fois plus et … sans trop se fatiguer de surcroît . La terre est grasse, noire. La jonque se fraie un passage entre les barcasses qui transportent de la houille, du ciment, des coques de riz, des ananas, des briques, du bois. Les moteurs pétaradent et fument. Notre « canonnière » s'arrête au débarcadère d'un marché. Nous traversons un pont : nous voici sur l'île de Binh An. Une espèce de paradis. J'avais parlé d'un paysage périgourdin lorsque nous étions en route pour les Waterfalls de Luang Prabang, Et bien ici, c'est un savoureux mélange de Marais Poitevin et de Jardins Flottants de la baie de Somme. Il suffit juste de remplacer les arbres de chez nous par ceux d'ici, ajoutez 25 ° de plus... et vous avez devant vous la carte postale. Comme c'est bientôt la fête du Têt, les Vietnamiens cultivent ici de nombreuses fleurs jaunes. Des espèces de chrysanthèmes que l'on s'offre pour la nouvelle année. Ça y est ? Vous le voyez le Paradis ? Non ? Je rajoute les fleurs d'ipomée , les papillons. Ça vous va comme ça! Allez ! Je rajoute les pirogues effilées qui glissent dans les petits cours d'eaux des marais, conduites par des femmes portant le chapeau de paille de riz pour se protéger du soleil. Elles utilisent de longues rames qu'elles croisent pour faire avancer leur bateau. Et pas une seule moto, pas un seul fil électrique. Juste un petit pont de bois qui traverse un cours d'eau qui se perd dans les frondaisons, les fruits, les fleurs, les oiseaux. Ça y est : bienvenu au Paradis !
Et on a fait une partie de la traversée à vélo ! Nous qui avions juré de ne plus remettre le derrière sur une selle ! Mais on ne pouvait pas faire autrement pour rejoindre le restaurant. Et comme la selle était tout à fait confortable, on a du coup oublié nos premières résolutions. On s'est mis à chanter « A bicyclette, avec Paulette, la fille du facteur et puis Firmin, Antoine , et Sébastien? Y'avait même Hervé et Martine ... »
Après deux jours à Saigon et dans les tunnels de Cu Chi, je peux vous dire qu'on a particulièrement apprécié le Marais Poitevin.
D'autant plus que nous sommes repartis vers la frontière cambodgienne en car. Un car superbe avec juste un petit problème : absence totale d'amortisseurs! On a vite été replongé dans le bain du « Motos! Autos! Klaxons! ». Nous avons emprunté des routes interminables pendant des heures. Des routes parfaitement droites qui traversent des paysages parfaitement plats, à perte de vue On saura peu après que nous avons en fait parcouru en bus 110 kilomètres en un peu moins de six heures. La vitesse est pourtant limitée à 70 km / h. Oui! D'accord ! On veut bien rouler à 70 km / h , mais on meurt dans les trente secondes qui suivent ou alors on tue deux cents motards dans le même temps .
Nous avons quitté le bus pour emprunter le ferry afin de traverser le Mékong qui doit bien faire 800 m de large à cet endroit. Un petit coup de bus d'une heure, histoire de ne pas perdre les bonnes sensations et nous montons à bord d'une nouvelle jonque. Nous allons remonter le Mékong de nuit jusqu'à Chau Doc, à la frontière du Cambodge. Trois heures de navigation un peu frustrant car nous ne verrons rien du paysage. J'en ai donc profité pour vous écrire ces quelques lignes malgré les nombreuses coupures de courant à bord.
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Article publié le 27/04/2015 à 14h11
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